Paracha Korach

L’étude de ce Dvar Torah est consacrée a la mémoire de Hanna bat zahra, Hanania Rephael ben Hanna, Mahlouf ben Merima, Diamanti bat Messaouda, Raphael ben Yaakov, Gracia bat Hanna,
Jais ben Rahel, Eliahou ben Hanna, Amram ben Zarha.

1. L’élimination de la jalousie
2. Désamorcer les disputes

L’élimination de la jalousie

J’ai rencontré récemment un homme de 95 ans qui semblait beaucoup plus jeune que son âge. J’ai été tellement impressionné par son aspect physique et par l’énergie qu’il dégageait que je n’ai pas pu me retenir de lui demander de me révéler le secret de sa longévité. Heureux de s’entendre poser une telle question, le vieil homme a vigoureusement sauté de sa chaise et, tout excité, il a commencé à me décrire ses principes de vie. L’un d’entre eux avait un lien avec la jalousie et l’envie – qui sont la toile de fond de l’histoire de Kora’h dans la Paracha de cette semaine. L’homme a déclaré qu’il ne regardait jamais avec envie ceux qui avaient plus que lui, mais qu’il restait concentré sur ceux qui avaient moins. Il m’expliqua que c’est ce qui l’avait conservé en bonne santé.

Il s’avère que l’approche du vieil homme n’est guère nouvelle.
Le roi Salomon a écrit רקב עצמות קנאה – l’envie cause le pourrissement des os (Michlei 14:30). Le Talmud explique : Si l’on a de la jalousie ou de la compétitivité dans le cœur, les
os « se désintégreront », c’est-à-dire que l’on mourra avant son temps. Cela ne se réfère pas seulement à la mort physique, mais aussi aux dépressions nerveuses et aux ennuis cardiaques.

Il y a une autre façon de regarder le terme עצמות (os) qui peut nous offrir une aide supplémentaire afin de faire face à la jalousie. עצמות peut également faire allusion à עצמיות – indépendance et originalité du caractère. Lorsque nous sommes jaloux, nous investissons notre énergie émotionnelle et intellectuelle dans les pensées concernant ce qui nous fait défaut par rapport à autrui. Cependant, en agissant ainsi, nous portons atteinte au développement de nos propres originalité et caractère. Tant que nous sommes occupés à essayer d’écrire l’histoire de notre propre réussite personnelle, la jalousie ne s’immiscera pas dans nos pensées. Mais si nous nous voyons comme un membre insignifiant d’un groupe, sans identité propre, alors nous commencerons immanquablement à mesurer notre succès à celui des autres. En effet, la Michna Avot (4:21) dit : הקנאה התאווה והכבוד מוציאין את האדם מן העולם – La jalousie, les désirs matériels, et la poursuite des honneurs excluent l’homme du monde. La compréhension commune de cette Michna est que ces traits négatifs peuvent entraîner une personne à perdre la position qu’elle occupe dans la société. Le Rabbi de Kelm explique cela différemment, selon lui cette Michna se réfère au fait que toute personne bénéficie d’une identité et d’une personnalité uniques au monde. Donc en s’occupant de ce qu’ont les autres ou de rechercher constamment les honneurs et le plaisir, une personne gâche ses propres possibilités de succès et ignore les objectifs et les ambitions qui devraient guider sa vie.

Il existe encore une autre source de jalousie, que nous pouvons traiter plus efficacement une fois que nous en sommes conscients. Un Rav perspicace dit un jour : « La jalousie provient souvent d’un sentiment que quelque chose nous appartenant nous a été enlevé. Ainsi le mot קנאה (jalousie) est très proche de קנין (acquisition). Ce sentiment est fréquent chez les frères et sœurs. La jalousie entre frères et sœurs peut être exceptionnellement forte du fait que les enfants de mêmes parents savent qu’ils ont commencé leur vie dans plus ou moins la même situation ou les mêmes circonstances. Or la jalousie est d’autant plus forte si quelqu’un a débuté une fonction similaire à la nôtre et se retrouve avec une longueur d’avance sur nous ou bien s’il jouit facilement de choses que nous n’avons pu atteindre ou réaliser qu’après avoir fourni de grands efforts. Tant que nous nous estimerons ne pas être logés à la même enseigne que l’objet de notre jalousie, nous ne pourrons pas nous en libérer.
Il y a une autre Michna dans les Pirké Avot (5:5), qui peut nous aider à désamorcer les sentiments de jalousie. Nous y apprenons que dans le Beit HaMikdach : עומדים צפופים ומשתחוים רווחים – Quand le peuple était debout, ils étaient entassés. Mais quand ils se prosternaient, ils avaient tous beaucoup de place. Le Rabbi ‘Haïm de Volojin explique que si l’on croit que nos acquisitions résultent de nos propres puissance et force – cela renvoie à la personne se tenant debout – elle estimera qu’elle mérite beaucoup plus pour ses actions et efforts. Cette arrogance l’empêchera de reconnaître les droits de l’autre dans le monde dans lequel elle vit. En fin de compte, elle se sentira écrasée par l’autre personne, qu’elle perçoit comme s’immisçant dans son monde. Mais quand elle se prosterne dans le Beit HaMikdash et reconnaît que tout ce qu’elle possède provient finalement de D.ieu, elle n’estimera pas que le monde lui appartient, et elle aura conscience qu’il y a de la place pour chacun et pour chacun de ses succès – sans que personne ne lui retire ou enlève quoi que ce soit qui lui est dû.

Une autre méthode pouvant aider à désamorcer la jalousie vient d’une méditation sur la manière particulière dont la Torah interdit la convoitise dans les Dix Commandements (שמות כ: יד) לא תחמוד בית רעיך וכו ‘אשת רעך ועבדו ואמתו ושורו וחמרו וכל אשר לרעך («Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain, femme, serviteur, servante, le bœuf, l’âne et tout ce que ton ami a en sa possession. ») Si la Torah énonce déjà une liste de choses appartenant à autrui et que nous ne devons pas convoiter, alors pourquoi faut-il ajouter une répétition apparemment inutile : « tout ce que ton ami a en sa possession » ?

Il faut en effet regarder l’ensemble des possessions du prochain, y compris ses difficultés et problèmes. Si chacun regardait son lot, toutes les bonnes choses qu’il a dans la vie ainsi que toutes les souffrances et privations – chacun choisirait son propre lot. Personne n’a tout bon ! Ainsi, si vous êtes jaloux des bonnes choses que quelqu’un d’autre possède dans la vie, gardez à l’esprit que vous ne regardez pas les difficultés qui vont de pair avec. En effet, nous sommes parfois jaloux de la richesse spirituelle ou financière de notre prochain, et nous nous demandons pourquoi nous ne jouissons pas nous aussi d’un tel succès, mais nous n’avons pas pris en compte toutes les heures de travail, les tensions, les risques, les sacrifices, etc, que ce prochain a enduré pour l’obtenir.

La jalousie est donc fondée sur tout le plaisir que vous pensez, vous, que l’autre a en sa possession. En fait, une vie heureuse et sans jalousie est à portée de tous et de chacun d’entre nous. Peu importe combien nous avons ou n’avons pas, mais plutôt combien nous sommes reconnaissants de posséder ce que nous possédons.
« Qui est le riche ? Celui qui est content de son sort. » Pirkei Avot

Désamorcer les disputes

Après s’être confrontés aux tous premiers désaccords, de nombreux jeunes mariés peuvent se demander s’ils étaient vraiment faits l’un pour l’autre. Chez certains cela peut se produire dès le premier Chabbat, mais quoi qu’il en soit, cela survient tôt ou tard au sein de chaque couple. Un jeune marié qui a eu un bon encadrement avant et après le mariage, et des conseils appropriés, sera en mesure d’éviter de graves erreurs lorsque surviennent ces désaccords, et il gardera le contrôle de ses actes.

Les emplois du temps chargés empêchent souvent les couples de discuter de leurs différences d’opinion avant une heure tardive dans la soirée. C’est une erreur ! Parce qu’alors, l’esprit est fatigué et ne fonctionne pas avec toute la clarté requise, c’est une recette infaillible pour s’emporter. En règle générale, il est préférable de ne pas aborder de sujets de conflit après dix heures du soir, parce que l’on risque d’aller se coucher en colère et de commencer la journée du lendemain du mauvais pied. Aucun mal ne surviendra si l’on reporte la discussion au lendemain, avec un esprit frais et clair, et au contraire, l’un des conjoints aura d’ici là sans doute réalisé que la question était triviale et insignifiante, ou bien que le point de vue de l’autre était en fait légitime.

Bien entendu, avoir des divergences d’opinion avec notre conjoint n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Rabbi Akiva Eiguer, par exemple, avait de longues discussions et même des désaccords avec son épouse bien-aimée au sujet des valeurs et des principes fondamentaux de la vie. Grâce à cela, il a abouti à un affinement et une clarification deses propres perceptions. Après sa mort, il la pleura douloureusement.

Si les désaccords et les conflits peuvent jouer un rôle positif dans la vie juive, comment pouvons-nous savoir lesquels sont en effetfructueux, et lesquels il est préférable de fuir ? Comment pouvons-nous transformer nos différences d’opinion et de points de vue en quelque chose qui est réellement positif et productif ? Le secret de la sérénité se trouve dans les
Pirké Avot où il est écrit :

Tout désaccord qui est לשם שמים (fondé sur une intention pure dénuée d’intérêt personnel), durera – mais s’il n’est pas לשם שמים, ce ne sera pas le cas. Qu’est-ce qu’un désaccord לשם שמים ? – Un désaccord du type de celui qui eut lieu entre Hillel et Shamaï. Qu’est-ce qu’un désaccord qui n’est pas לשם שמים ? – Un désaccord du type de celui qui eut lieu avec Kora’h et toute son assemblée.
(5:17)

Comme l’explique Bartenura, le désaccord entre Hillel et Shamaï avait pour but d’atteindre la connaissance de la vérité – à laquelle ils sont d’ailleurs finalement parvenus. En revanche, les revendications de Kora’h vis-à-vis de Moché n’étaient qu’une tentative d’atteindre honneurs et pouvoir. À la fin, cela s’est d’ailleurs retourné contre eux, et provoqua l’effet inverse. La conscience de ces deux types de motivations opposées peut nous aider lorsque nous analysons nos propres différends avec autrui, comme nous allons le voir bientôt.

Kora’h aborda tout d’abord Moché avec les deux questions suivantes :
* Comment se peut-il qu’un talith confectionné totalement de bleu d’azur nécessite toujours l’ajout d’un tsitsit de couleur azur ?

* Comment une salle remplie de rouleaux de la Torah a-t-elle besoin d’une mezouza sur le linteau de la porte alors que les rouleaux de la Torah contiennent eux-mêmes les parachioth contenues dans la mezouza ?

Kora’h essayait en fait, au travers de la puissance de ces questions, de porter atteinte à la crédibilité de Moché aux yeux du peuple. Essayons de comprendre pourquoi Moché n’a-t-il pas jugé nécessaire de répondre à ces questions. Il comprit tout simplement qu’elles n’étaient pas des questions, mais plutôt une sorte de reformulation de l’argument classique de Kora’h concernant le statut de Moché qu’il remettait en question, en tant que dirigeant du peuple, à savoir : “כל העם כולם
קדושים ולמה תתנשאו על קהל ה ‘”- l’ensemble du peuple de D.ieu est saint, alors pourquoi vous (Moché et Aharon) vous élevez-vous au-dessus de l’assemblée de l’Eternel ?
Les questions sur les tsitsioth et la mezouza ne faisaient en fait que révéler son intention personnelle :
Est-ce qu’un peuple dont chaque membre est tellement élevé et proche de D.ieu d’un point de vue personnel a besoin d’un représentant de D.ieu ?

Comme nous l’avons indiqué précédemment, il existe deux types de désaccords. L’un où les deux parties se disputent afin de clarifier un sujet, se témoignant sans cesse du respect mutuel et ne permettant pas à l’orgueil de prendre place. Ce type de désaccord a une grande valeur car il nous aide à clarifier les choses qui sont importantes pour nous. Plus le sujet est important, plus l’issue du débat sera fructueuse. C’est ainsi que Shamaï et Hillel, qui s’estimaient beaucoup, débattaient sur des sujets de Torah qu’ils jugeaient d’une importance capitale, plus que quoi que ce soit d’autre sur terre. Aujourd’hui, les partenaires d’étude tentent de reconstituer ces débats lorsqu’ils sont dans le Beit Midrach – sans immiscer aucun orgueil ou autre élément personnel. Mais si l’ego est touché par un partenaire d’étude, l’on peut alors rapidement se trouver sur la défensive – et parfois même : l’offensive !

Les questions de Kora’h ne venaient donc en réalité qu’ajouter des arguments afin de contester la validité de Moché dirigeant, elles n’étaient que des prétextes.Moché perçut ses arrière-pensées, et comprit que s’il y répondait, d’autres questions fuseraient instantanément. Quand l’ego est en jeu dans un désaccord, le sujet de la controverse ne perdure pas parce les éclaircissements ne peuvent jamais être atteints.

Au lieu de riposter, Moché tomba donc sur sa face. Il ne voulut pas prendre part à ce désaccord. C’est pourquoi la Michna des Pirkéi Avot que nous avons citée ne mentionne même pas Moché, mais évoque seulement le désaccord (לא לשם שמים) de Kora’h et de ses partisans. Moshe répondit quant à lui à Kora’h dans une perspective qui était “לשם שמים”.

Chaque fois que nous nous sentons offensés ou méprisés, nous pouvons apprendre du merveilleux exemple d’humilité de Moché afin de ne pas nous laisser emporter pas notre ego et de ne pas répondre. Nous devons alors seulement nous demander :
« Comment D.ieu veut-Il que je réponde ? »

Shabbat Shalom
yosefarhi@gmail.com

L’étude de ce Dvar Torah est consacrée a la mémoire de Hanna bat zahra, Hanania Rephael ben Hanna, Mahlouf ben Merima, Diamanti bat Messaouda, Raphael ben Yaakov, Gracia bat Hanna,
Jais ben Rahel, Eliahou ben Hanna, Amram ben Zarha.

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