french vaetchanan
Double peine – double consolation
Lorsque les gens parlent de soutien, ils font généralement référence aux soutiens affectif, physique, ou financier, sur lesquels repose le psychisme humain afin de demeurer sain et équilibré. Si l’un d’entre eux venait à manquer pour un individu, celui-ci s’effondrerait, et d’autant plus gravement si c’était le soutien affectif qui faisait défaut.
Qu’est-ce que le soutien affectif ? Il ne s’agit pas du tout seulement de l’encouragement, mais du respect de base et de l’estime, qui s’ils sont absents, peuvent provoquer la détérioration de la santé mentale et émotionnelle d’un être, mais aussi de sa santé physique. Inconsciemment, nous sommes toujours en quête de soutien de notre famille, de nos amis et connaissances. Malheureusement, certaines personnes n’en reçoivent pas le soutien dont elles ont besoin. Cela peut être aussi parce qu’elles n’ont tout simplement pas de parents ou d’amis – ou parce que les parents et amis ne parviennent pas à fournir le niveau approprié de respect et d’estime. On oublie parfois combien une aide de ce type recèle un pouvoir puissant et vital !
De là nous comprenons que l’un des plus grands actes de ‘Hessed (bonté) qui soit est de simplement prêter une oreille à autrui. Si quelqu’une de nos connaissances souffre, cela peut être pénible de l’entendre inlassablement se plaindre et nous pouvons imaginer, à tort, que nous ne disposons d’aucun moyen pour l’aider, mais au contraire, un tel soutien émotionnel peut apaiser de grandes douleurs.
Par ailleurs, nous pouvons faire encore bien plus pour quelqu’un se trouvant en détresse, nous pouvons essayer de lui ouvrir les yeux sur la vérité profonde et salvatrice que finalement, ce n’est pas la famille ni les amis, ni aucun être humain qui nous soutiennent en réalité. Tout cela n’est que mirage ! Il n’y a aucune personne au monde qui nous aime et nous respecte plus que notre D.ieu Qui Est dans les Cieux. Il est la source Unique de tout soutien. Inutile de dire que sagesse et tact sont nécessaires afin de faire passer efficacement un tel message.
Une idée intelligente pour y parvenir est de décrire aux personnes en détresse des exemples de gens qui ont réussi à réaliser et à vivre grâce à cette vérité fondamentale. Il peut s’agir d’un homme ou d’une femme qui ont perdu leur conjoint à un âge précoce, ou encore d’une personne âgée qui n’a jamais trouvé l’âme sœur mais qui est pourtant parvenue à vivre heureuse, et même à devenir une source de soutien pour les autres !
Comment ont-ils réussi ?
Ils ont trouvé le soutien dont ils avaient besoin en observant tout ce qu’ils recevaient du Créateur. Ils sont ensuite allés soutenir les autres. Ils ont réalisé à quel point D.ieu nous aime et nous soutient, même si nous L’ignorons souvent ! Et qu’Il est toujours là pour nous quand nous revenons à Lui.
Dans la Haftara du Chabbat Na’hamou, nous lisons : נחמו נחמו עמי יאמר אלוקיכם -Soyez consolés, consolés mon peuple dit votre D.ieu. Un commentaire du Midrach, le Yalkout Chimouni dit : « Ils ont été doublement punis, et ils seront doublement consolés » (ילקוט שמעוני). Comment pouvons-nous comprendre cela ? Pourquoi D.ieu nous a-t-Il punis doublement pour nos péchés, pour ensuite nous donner une double « portion » de consolation ?
La réponse se trouve dans la Haftara de la Parachat Massei (Yirmiahou 20:13) : כי שתים רעות עשה עמי – אותי עזבו מקור מים חיים לחצוב להם בארות בארות נשברים אשר לא יכילו המים – Mon peuple a fait deux maux contre Moi : Ils M’ont abandonné, la source d’eau vive, pour aller creuser des puits pour eux-mêmes – des puits brisés qui ne peuvent pas contenir d’eau. Cela évoque la parabole de la Reine qui s’est enfuie avec un paysan. Non seulement elle a quitté le Roi, mais elle l’a fait pour épouser un simple fermier !
Le ‘Hovot Halevavot dit que le Prophète ne fait pas ici seulement allusion à l’abandon de D.ieu pour adorer des idoles, mais également à l’abandon de notre confiance en D.ieu au profit des choses matérielles et palpables. En effet nous vivons avec la confiance que si nous respirons maintenant, nous respirerons encore dans une minute.
Nous avons confiance que tant que nous avons des biens, un business ou un riche parent, notre situation financière sera toujours stable grâce à cela. Nous avons confiance que si nous sommes heureusement mariés ou pris en charge, les choses resteront toujours ainsi, etc. Ce qui revient à dire que nous plaçons en réalité notre confiance dans des êtres de chair et de sang, ou dans des objets inertes comme l’argent ou des biens immobiliers, or cela risque malheureusement de nous conduire à oublier de nous tourner vers D.ieu et de Lui demander de nous prodiguer toutes ces bénédictions. En agissant ainsi nous finissons donc par abandonner notre relation à Lui, Qui est La Source de TOUT. Nous comptons sur nos puits cassés qui ne peuvent même pas contenir toute l’eau que nous avons mise en eux, alors que Hachem peut nous abreuver de Ses eaux pures. Nous sommes préoccupés par les puits, les rivières et les pipelines à travers lesquels D.ieu nous envoie la bénédiction, mais nous oublions qu’Il est la source de leur approvisionnement. Ce sont les deux maux que nous Lui faisons : abandonner notre confiance en D.ieu pour faire confiance à la matière, et oublier que cette matière ne provient que de LUI.
Dans Son infinie miséricorde cependant, Il est prêt à accepter notre Téchouva-retour, même après que nous nous soyons si mal comportés. Notre Roi n’abandonne pas sa Reine – le peuple juif – après qu’elle se soit enfuie avec le paysan qui est lui-même soutenu par le Roi. Il Se présente toujours à nous ainsi : “votre D.ieu.” Il ne nous abandonnera pas, même si nous L’avons abandonné. Il n’y a pas de plus grande consolation que cela. Il est toujours là à veiller sur nous, et en outre, lorsque nous revenons à Lui, non seulement Il ne se fâche pas, mais encore Il Se montre ravi de nous retrouver. C’est notre double consolation.
Le Yetser hara est-il vraiment mauvais ?
Se trouvant dans un processus de sevrage, un mangeur compulsif ou tout autre sorte de personne dépendante d’une drogue quelle qu’elle soit, peut se poser la question théologique suivante :
Comment le Judaïsme peut-il affirmer que tout ce que D.ieu créa est seulement et uniquement Bon, alors qu’Il créa aussi le mauvais penchant (Yetser hara), justement responsable de ma dépendance à la nourriture ou à tout autre drogue au sens propre comme au sens figuré ?
Pour répondre à cette question, nous devons puiser aux sources, comprendre comment nos Sages voient le mauvais penchant et la tendance humaine à faire le mal, à faire le contraire de ce qu’Hachem a ordonné.
Nous trouvons dans le Midrach (Béréchit Raba 9) que lorsque D.ieu parla de l’ensemble de la Création entière terminée, Il n’utilisa pas le seul qualificatif de « bonne », mais celui de « très bonne », faisant allusion justement à l’inclinaison au Mal ! Ce concept juif que le mauvais penchant est une partie vitale de la Création se trouve également dans le Chéma Israël : « Tu aimeras Hachem ton D.ieu de tout ton cœur (לבבך), de toute ton âme, et avec toutes tes possessions… » Le mot en hébreu pour dire « cœur » est écrit ici – avec un doublé ב – ce qui fait allusion aux deux « cœurs » qu’Hachem a mis en nous : le bon et le mauvais penchant. Ce qui signifie que nous devons Le servir justement avec nos deux penchants. Le Gaon de Vilna explique que D.ieu n’a pas créé le mauvais penchant simplement dans le but de nous récompenser par la suite si on l’a surmonté, mais essentiellement pour la survie humaine. Midrach En effet, le mauvais penchant englobe nos pulsions animales, celles qui nous incitent à manger, boire, et nous reproduire, or elles sont tout à fait vitales pour la survie de l’humanité. Donc, cette inclination que nous appelons « le Mal », parce que son champ d’action est limité à la partie « animale » de notre vie, elle ne concerne que le corps et pas l’âme, nous conduit en réalité elle aussi dans le sens du Bien, (c’est d’ailleurs ce que nous devons faire), si nous la mettons au service de notre Créateur.
Concrètement, cela signifie que lorsque nous mangeons ou buvons en faisant la volonté d’Hachem, nous pouvons alors percevoir la nourriture non pas simplement comme plaisir, mais comme réelle nutrition. D.ieu attend de nous que nous prenions soin de notre corps en étant conscients de nos instincts. En effet, la première question qu’un diététicien pose à ses patients souffrant de surpoids est la suivante : « Continuez-vous à manger lorsque vous n’avez plus faim ? » Si la réponse est « Oui », le diététicien lui conseille de ne continuer à manger qu’aussi longtemps qu’il ressent la faim et non pas jusqu’à ce qu’il se sente plein. Voir ou humer un mets qui semble délicieux, ne doit pas signifier vouloir le porter immédiatement à la bouche. Nous sommes censés manger des aliments qui satisfont notre faim – tout le contraire du fastfood ! – et si nous nous demandons : “Quels apports nutritionnels j’aurai en mangeant cela ?” au lieu de : « Quel plaisir j’aurai ? », nos habitudes alimentaires changeraient radicalement. D.ieu nous a donné l’instinct de la faim pour notre survie, et gracieusement, Il y a joint le plaisir, nous devons néanmoins dominer cet instinct et non pas le laisser nous dominer.
La suralimentation ne cause pas seulement des dommages au corps, mais aussi à l’âme. Comme nous le voyons plus loin dans le Chéma Israël, il nous est ordonné ceci : השמרו לכם פן יפתה לבבכם וסרתם ועבדתם אלקים אחרים והשתחויתם להם – « Faites attention de peur que votre cœur ne soit séduit et que vous vous détourniez et que vous serviez d’autres dieux… » Le Rav Chlomo Wolbe à ce propos cite un autre verset : « Yéshouroun fut rassasié et il a regimbé » pour nous montrer dans quel état nous nous trouvons si l’esprit est contrôlé par le corps, et combien il est alors difficile de s’abstenir de fauter. L’un de ces états est de se trouver trop rassasié, c’est pourquoi la Torah nous ordonne de réciter le Birkate HaMazone afin de remercier D.ieu pour la nourriture que nous avons consommée – après et non pas avant – afin de témoigner que nous n’avons pas oublié D.ieu, même après que nous soyons rassasiés. L’intellect ne fonctionne pas correctement quand le corps est trop plein, et celui-ci a tendance à se rebeller (“regimber”) contre ceux qui ont été trop « gentils » avec lui – en particulier contre son Créateur.
L’idée que nous venons de développer ne se limite bien sûr pas à la nourriture. Regardons un instant le désir humain d’avoir un compagnon, une compagne. D.ieu a créé le désir entre hommes et femmes dans le but de se marier et de fonder une famille, et sans cet instinct, l’humanité s’éteindrait inéluctablement. Mais l’intention d’Hachem va plus loin. Il veut nous assurer qu’il y aura des générations futures qui apprécieront la générosité qu’Il prodigue à l’humanité et le serviront donc en conséquence. Toutefois attention de ne pas laisser ce désir nous conduire vers le mal, il est là pour nous inciter à construire une famille – et non pas juste afin de donner du plaisir pour le plaisir, ce qui nous nuirait fatalement et nuirait gravement à tout notre entourage.
En conclusion, D.ieu dans Sa grande bonté, nous a donné deux désirs et une manière agréable de les satisfaire. Si nous réalisons qu’Il a agi ainsi afin que nous Le servions, nous jouirons de cette bonté dans ce monde et dans le monde à venir.