french parashat masei
——-COMMENT NOUS SENSIBILISER AU DEUIL DE TISHA BEAV ?——-
Nous, le peuple juif, avons le devoir de nous rappeler tous les jours que notre temple a disparu et que nous sommes en exil. Trois fois par jour dans nos prières, et dans le Birkat hamazone (la prière de grâce après le repas), nous évoquons la destruction de Jérusalem et la perte de notre Temple, et exprimons notre désir de salut et de rédemption. Même le jour du shabbat, nous ajoutons une prière à D.ieu dans le Birkat HaMazone afin qu’il reconstruise Jérusalem. Malgré tout cela, vingt-et-un jours du calendrier juif sont consacrés au deuil de Jérusalem. En effet, nous sommes tenus pendant cette période de ressentir jusqu’au plus profond de notre être la tragédie de la perte du Temple. Nos Sages nous apprennent : כל המתאבל על ירושלים זוכה ורואה בשמחתה – Quiconque pleure pour la destruction de Jérusalem aura le privilège de la voir ‘’consolée’’. L’inverse est également vrai : si nous ne pleurons pas la perte du Temple, nous n’aurons pas le mérite de le voir reconstruit. Pendant ces trois semaines précédant ticha bé av, nous devons ressentir une émotion particulière, une peine et une douleur réelles.
Qui se sent concerné ?
Est-il vraiment possible de réaliser l’ampleur d’une catastrophe qui s’est produite 1943 années auparavant, même si la perte a été considérable ? Le défi est encore plus difficile à notre époque, connue sous le nom de עקבתא דמשיחא – ‘’l’ère précédant l’arrivée du Machia’h. En effet, beaucoup de signes précurseurs de cette période, ont été décrits dans le Talmud (Sanhédrin 97a), et sont perceptibles aujourd’hui ! Le nom de cette période, עקבתא דמשיחא, qui signifie littéralement “le talon du Messie», fait allusion à la difficulté de porter le deuil du Temple. Métaphoriquement, l’histoire juive peut être comparée au corps humain, de la tête jusqu’au talon. La tête est représentée par Moshé Rabbénou et le דור דעה, la «génération de la connaissance» qui a reçu la Torah au mont Sinaï. L’histoire de notre nation touche à sa fin, atteint son point culminant à notre époque, une période comparable au talon (עקב). Le talon est constitué d’une peau épaisse qui sert à amortir et à soutenir l’ensemble du corps. C’est également un endroit qui favorise la formation de peaux mortes. Ces caractéristiques se reflètent parfaitement à notre époque où les émotions et les sentiments sont grandement affaiblis. Autrefois, les gens faisaient preuve de beaucoup plus d’abnégation dans leurs relations avec autrui. Aujourd’hui, si une personne a besoin d’être réellement écoutée et entendue, elle doit payer des sommes folles à son psychologue. A notre époque, on communique avec les gens grâce aux téléphones cellulaires, et aux textos !
S’il est si difficile dans une ère comme la notre d’être attentionné aux besoins d’autrui, comment pouvons-nous pleurer la destruction du Temple après tellement d’années ? Comment pouvons-nous nous sensibiliser afin de ressentir une tristesse sincère et verser de vraies larmes ?
L’émotion et son but
On pourrait se poser la question de savoir pourquoi il faut éveiller en nous le sentiment réel de peine et de douleur. Ne serait-il pas suffisant d’apprendre de nos erreurs passées, et de nous concentrer sur nos problèmes et la manière d’y remédier, sans forcément pleurer ?
La réponse est que, bien que nous devions utiliser également notre intelligence pour pleurer le Temple et Jérusalem, cela n’est pas suffisant. En effet, il existe deux mots en hébreu qui signifient les larmes : דמע et בכי. דמע est composé des mêmes lettres que מדע (l’intellect), car les larmes proviennent généralement de la compréhension intellectuelle d’une tragédie. En revanche, le pleur est davantage une émotion déclenchée par le cœur. Il est appelé, בכי et il a la même valeur numérique que le mot לב (cœur). Ainsi, la langue hébraïque elle-même nous enseigne qu’il ya deux sortes de larmes. Nous sommes sensés utiliser les deux, comme il est écrit dans Eichah: עיני עיני ירדו מים – mes deux yeux versaient des larmes. Sur le plan conceptuel, cela signifie que les larmes coulent de deux sources.
Définir une déchirure
Les larmes sincères expriment les sentiments du cœur, que les mots ne peuvent tout simplement pas exprimer. Si nous avons des doutes quant à savoir si notre cœur est vraiment capable d’être ému aux larmes, l’histoire vécue suivante de l’Holocauste va nous prouver qu’il l’est encore.
Une femme dont le mari avait été tué par les nazis, vit ses deux garçons, qui représentaient désormais tout son avenir, se faire prendre par un soldat nazi. Elle courut après le nazi qui précipita les garçons dans un camion. Elle le supplia désespérément, en versant des larmes amères d’avoir pitié d’elle et de les libérer. Mais le nazi lui répondit froidement : «Choisis un de tes deux fils ! ” Cet atroce ultimatum la laissa sans voix. La mère désespérée se tenait là, figée sur place, incapable de prononcer le moindre mot. Ne voulant pas attendre plus longtemps, le nazi partit avec les deux garçons. Ceux qui s’approchèrent de la pauvre femme comprirent qu’elle avait perdu la raison tant sa douleur était grande.
Cette histoire tragique porte en elle plusieurs drames : l’agonie d’une mère aimante à qui on a demandé de sauver un enfant au détriment de l’autre, l’enfer traversé par le peuple juif et les nations du monde qui ont assisté froidement à ce cataclysme sans donner signe de vie. Cependant, le fait de décrire l’émotion suscitée par ce malheur ne lui fait pas justice. Tous les survivants de l’Holocauste s’accorderont à dire que les livres et les films relatant cette tragédie ne sont qu’un pâle reflet de la réalité. C’est parce que certains sentiments ne peuvent être exprimés par des mots. Lorsque l’on apprend une tragédie dans notre entourage, la première question que l’on pose est : « Comment est-ce arrivé ?», ou bien : « Comment aurait-on pu éviter cette catastrophe ?» Les proches parents, eux, ne posent pas de telles questions après avoir subi une perte tragique. Ils réagissent avec le cœur, et non pas avec l’esprit.
La nation émotionnelle
Les relations qui permettent d’exprimer les émotions les plus intenses sont la relation de couple et la relation qui unit la mère et son enfant. En effet, dans ces deux relations, l’implication sentimentale est très forte, mais surtout, c’est un sentiment d’union profond, un sentiment de former une seule et même entité. Et plus le niveau de sentiment est fort, plus l’émotion est puissante elle aussi. C’est pour cette raison que les prophètes utilisent fréquemment ces deux métaphores pour décrire la douleur émotionnelle que D.ieu a «ressenti» au moment de la destruction du Temple et de l’exil de son peuple. Par exemple, les prophètes parlent de Sion comme une mère qui attend ardemment le retour de ses enfants. Si nous ne ressentons pas cette émotion, c’est un signe que nous ne nous identifions pas assez avec notre nation.
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Puissance de l’émotion
Nous savons que le Temple a été détruit à cause de la haine gratuite, et qu’il sera reconstruit grâce à ‘’ l’amour gratuit’’. Ces trois semaines précédant tisha béav représentent le moment idéal pour nous améliorer et chercher à exceller dans ce domaine. Plus nous nous sensibiliserons aux douleurs de l’autre, en nous impliquant et en nous identifiant réellement à ses problèmes, de façon à ressentir sa douleur dans notre propre chair, plus notre cœur libérera son potentiel émotionnel. L’émotion ne peut se ressentir que dans la mesure où l’on éprouve un attachement profond et sincère à l’autre. De la même façon, nous serons en mesure de ressentir réellement le deuil de tisha béav, si nous sommes capables de nous projeter au-delà de nous-mêmes et nous identifier véritablement à la perte tragique de notre Temple.
L’importance d’éveiller l’émotion durant cette période est cruciale pour une autre raison : l’émotion est porteuse de puissance et de force. Quand on est attaché à quelque chose émotionnellement, on est prêt à investir beaucoup d’efforts. En nous sentant attaché de manière désintéressée au peuple juif, à son passé et à son présent, nous réunissons notre nation et cette force nous permettra d’aller de l’avant, et d’engendrer des changements. De cette manière, nous nous donnons toutes les chances de pouvoir bientôt contempler Jérusalem consolée et reconstruite.
————–DÉCISIONS INCONSCIENTES——————–
Je me trouvais récemment dans le bus, pour mes affaires, lorsque deux personnes commencèrent à parler bruyamment derrière moi: «Hier soir, j’ai mangé un sachet de pop-corn entier, mais pas les petits sachets, les très grands ! ». Puis la personne ajouta : « Après cela, je me suis vraiment senti très mal… ».
Je n’ai pas prêté attention à cette conversation, mais plus tard dans la journée, j’ai réalisé que D.ieu m’avait placé au bon endroit au bon moment. Je me suis rappelé d’une idée fondamentale qui concerne la période de deuil du Bet hamikdash (Saint Temple) que nous sommes en train de vivre : il y a toujours une raison et un but à tout ce qui arrive. J’aimerais approfondir ce sujet en examinant d’abord la mitsva d’apporter des offrandes au Bet hamikdash pour expier les péchés.
Volontaire ou involontaire
Pourquoi nous a-t-on ordonné d’apporter une offrande – קרבן חטאת – pour certains types de péchés commis par inadvertance, mais pas pour les péchés commis intentionnellement? Pour quelle raison les péchés intentionnels ne peuvent-ils pas être expiés eux aussi par le sacrifice d’un animal?
Le Séfer ha’hinou’h (mitsvah 95) explique pourquoi le sacrifice qui sert à expier les péchés ne s’applique qu’aux pécheurs involontaires. Il nous enseigne que le corps d’une personne est semblable au corps d’un animal sous plusieurs aspects. La principale différence entre les êtres humains et les animaux réside dans le fait que les êtres humains possèdent l’intelligence et un niveau supérieur de conscience et d’émotion. Lorsqu’une personne faute contre Dieu par inadvertance, elle se comporte en faisant abstraction de son intelligence, et de ce fait, agit comme un animal. Quand elle apporte en sacrifice un animal pour expier sa faute, elle réalise que c’est elle qui devrait se trouver là à la place de l’animal, pour ne pas avoir su utiliser son intelligence, et que ce n’est que grâce à la miséricorde de Dieu qu’elle est encore en vie. De cette manière, elle réalise l’importance de s’amender. A l’avenir, elle se comportera de manière plus réfléchie. Cela fait partie du processus de la téchouva qui a pour but d’expier les péchés. Le pécheur intentionnel (מזיד), en revanche, ne peut pas bénéficier de la même expiation, car il a péché en utilisant son intelligence. Ce type de sacrifice ne s’applique pas à lui parce qu’il a décidé de pécher sciemment.
Décision d’un bûcheron
Dans cet ordre d’idées, nous pouvons mieux comprendre pourquoi le tueur involontaire (évoqué par la Torah dans la paracha de cette semaine) doit fuir vers la ville de refuge, de crainte qu’un des proches parents de sa victime ne cherche à se venger et répande son sang. Il semble que cet exil forcé vers la ville de refuge serve d’expiation au péché commis par inadvertance. Mais, on pourrait se demander, pour quelle raison le tueur involontaire a besoin d’expiation ? Quel était son crime? Il n’a peut-être tout simplement pas remarqué ce passant qu’il a tué accidentellement, n’ayant pas vérifié la sécurité de sa hache.
La réponse est que la Torah exige de nous d’assumer l’entière responsabilité de nos actes dans nos vies quotidiennes. Les répercussions ne nos actes sont engendrées par les innombrables décisions inconscientes que nous prenons au long de notre journée. Vous êtes-vous déjà demandé combien de décisions vous prenez consciemment ou inconsciemment en une heure de temps seulement ? Je voudrais juste attirer votre attention sur quelques unes de ces décisions. Rester éveillé ou non, terminer de lire cet article maintenant ou plus tard, le lire rapidement, le lire à table ou au lit… En effet, c’est votre décision de trouver cet article intéressant ou non. Vous seul, pouvez décider si vous acceptez les idées qui vous sont présentées ici, et si vous êtes prêts à les appliquer.
Les décisions et les indécisions
Chaque décision consciente que nous prenons peut affecter nos décisions futures – surtout les décisions reléguées au domaine de l’inconscient. Les nombreuses décisions que nous prenons dans le présent ont un impact sur les décisions que nous prendrons dans le futur. Plus nous agissons sans réfléchir dans le présent, plus nos futures décisions risquent d’être irréfléchies. En effet, en prenant l’habitude de réfléchir avant d’agir, de peser nos décisions, nos choix ont toutes les chances d’être les bons choix dans le présent comme dans l’avenir.
Pour ne citer qu’un exemple, beaucoup de gens pensent qu’il vaut mieux remettre à plus tard leurs décisions, et rester pour l’instant indécis. Ils oublient que le fait même de rester indécis est le fruit de leur propre décision ! S’ils prenaient l’habitude de réfléchir et d’analyser leurs actions, ils seraient capables de prendre les bonnes décisions, et surtout de le faire avant qu’il ne soit trop tard.
A la lumière de ce que nous avons expliqué, nous comprenons mieux maintenant pourquoi, en ne fixant pas bien sa hache, le bûcheron a fait preuve d’imprudence, et avait donc une part de responsabilité dans ce qui s’est passé. (Implicitement, cette personne a également choisi de devenir bûcheron ; un métier susceptible d’engendrer plus d’accidents que d’autres métiers comme la vente ou l’écriture par exemple.) Mais dans la mesure où cette personne a tué de façon inconsciente, la Torah ne le punit pas de mort, car c’est un châtiment infligé à l’esprit (et son esprit n’était pas réellement maître de ses actes) et au corps. Au lieu de cela, cet homme est expulsé vers la ville de refuge, une ville dans laquelle il est illégal de posséder n’importe quel ustensile qui pourrait causer la mort. Ceci garantit qu’il ne pourra commettre une autre faute de ce genre lors de son séjour forcé dans la ville de refuge. Pendant cette période, il ne pourra exercer son libre-arbitre quant à sa façon de se comporter.
Voici un autre exemple, celui de la transgression involontairement de certaines interdictions de la Torah, comme profaner le Chabbat. Une personne qui transgresse le Chabbat parce qu’elle a oublié que c’était Chabbat ou que telle action était interdite le jour du Chabbat, doit apporter une offrande pour le péché. La Torah ne considère pas cette personne comme totalement innocente, car son erreur a finalement abouti à une décision. En effet, chacun de nous sait pertinemment ce qui est important. Transgresser, même involontairement une interdiction du Chabbat, sous-entend que l’on n’a pas donné au Chabbat l’importance et la valeur qui lui reviennent.
Alors qu’il prophétisait la destruction prochaine du Temple de Jérusalem, le prophète Yirmiyahou s’est exprimé de manière sévère envers le peuple juif :
אין איש נחם על רעתו לאמר וגו’ כלה שב במרוצתם כסוס שוטף
« Vous courez éperdument après vos désirs, sans penser à l’impact des décisions que vous prenez. (Mésilat yécharim, Ch. 2.)
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Qui a décidé?
Le Temple a disparu, et la gloire de D.ieu est voilée. Notre génération attend désespérément le Machia’h pour être rachetée de l’exil, et reconstruire le Temple. Certaines personnes pensent que D.ieu attend le retour des juifs éloignés de la Torah et des Mitsvot. Mais ce n’est pas nécessairement le cas – cela ne s’arrête certainement pas là ! D.ieu attend le retour et l’amendement de ceux qui appliquent Sa Torah et Ses Mitsvot, et qui croient en la rédemption finale, mais ont d’autres soucis plus importants. Il attend la prise de conscience de ceux qui vivent confortablement parmi les Gentils en exil. Il veut que nous réalisions que c’est essentiellement notre décision de rester plongé dans les ténèbres de cet exil. Et il attend bien-sûr que nous l’implorions de nous sauver de cette obscurité, car sans Lui, nous ne pouvons rien. C’est à nous de décider à quel point nous avons vraiment besoin de D.ieu. Sommes-nous capables de pleurer à chaudes larmes, en réalisant la douleur de notre exil, et surtout celle de l’exil de la ché’hina ? Ce serait en effet, l’indicateur qui nous permettrait de savoir où nous nous situons dans cette prise de conscience.
Nos Sages nous apprennent qu’une génération qui n’a pas été témoin de la reconstruction du Temple est comparée à une génération qui aurait assisté à sa destruction. Il est grand temps pour nous de décider de la reconstruction de Jérusalem.